Le 46 Gordon Square, maison de Virginia et de sa sœur, Vanessa, accueille à Londres le Bloomsbury Group : Lytton Strachey, Clive Bell, Saxon Sydney-Turner, Duncan Grant et Leonard Woolf. « […] la joyeuse vie qu’on y menait, toutes conventions jetées par-dessus les moulins, une vie consacrée à oublier les contraintes de la précédente, à discuter, à fumer, à boire du café et du whisky, à changer le monde, à vivre le plus abstraitement possible, à chercher la meilleure définition de la beauté en soi, et à peindre les murs de couleurs vives […]. » (Brisac, 41)
Et le mariage n’y change rien : à Monks House, la fête continue ! Vita Sackville-West, E.M. Forster, Stratchey, Roger Fry et tant d’autres partagent des soirées envolées, créatives, inspirantes. « Car Virginia Woolf, c’est le contraire de la tour d’ivoire […]. Elle est en permanence déchirée entre la nécessité de disposer de son temps […] pour accomplir son œuvre, et la conscience que seule elle n’est rien […] » (Brisac, 196).
Des maisons d’amis dans l’histoire littéraire, il y en a beaucoup. 
Chez Gertrude Stein, le tout Paris artistique des Années Folles se regroupe : Picasso, Hemingway, Apollinaire, Braque, Max Jacob, Matisse, Fernande Olivier, Maurice de Vlaminick, Robert Delaunay, Man Ray. Une ambiance retrouvée dans le Minuit à Paris de Woody Allen.
Les soirées humides de l’été 1831 près du lac Léman contraignent Lord Byron, John William Polidori, Mary Godwin, Percy et Mary Shelley à se réfugier dans la villa Diodati. Ils se lisent des histoires de fantômes et se lancent un défi : écrire une histoire fantastique... Ce sont les prémices de Frankenstein (Shelley, 1818)!
Au printemps 1950, Francine Weisweiller, épouse de l’héritier Shell, reçoit dans sa villa Santo Sospir (Côtes d’Azur). Cocteau y dessine de grandes fresques sur les murs du salon. Il y a aussi Matisse, Picasso, Chaplin, et Jean Marais qui s’initie à la peinture à l’huile. 
J’aime aussi cet autre exemple, raconté par Barry Miles dans son autobiographie des années 70 : la ferme rudimentaire d’Allen Ginsberg (LE poète beat-hippie), isolée, sans électricité. Ginsberg veut assainir le corps (toute drogue est abolie) et libérer l’esprit dans cet isolement du monde devenu oppressant. Difficile pour Peter Orlovsky, son amant, qui doit décrocher du speed et se persuade que Ginsberg en a après le cul des vaches ! Ils passent de belles soirées, utilisant le peu d’électricité pour écouter des disques, retracer l’histoire Beatnik, écrire de la poésie…
Pied de nez au cliché du créatif isolé : ambiances de franches amitiés, ouverture d’esprit, liberté créative, les artistes s’inspirent mutuellement, s’entraident, se soutiennent, s’intéressent les uns aux autres.Et de ces soirées arrosées de bonne chair éclosent de nombreuses œuvres majeures.

Biblio
Allen, Woody. Minuit à Paris. Gravier Productions, 2011. 100 min.
Brisac, Geneviève. Desarthe, Agnès. V. W. le mélange des genres. Paris : Editions de l’olivier, 2004. 279 p.
Fiche « Francine Weisweiller », Wikipédia.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Francine_Weisweiller
Fiche « Mary Shelley », Wikipédia.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mary_Shelley
Fiche « Virginia Woolf », Wikipédia.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Virginia_Woolf
Miles, Barry. In the seventies: aventures dans la contre-culture. Le Pré Saint-Gervais : Le Castor astral, 2016. 254 p.
Skoneczny, Catherine. L’art dans le Paris des années folles. « Salon de Gertrude Stein ».
https://theroaringtwentiesparis.wordpress.com/category/salon-de-gertrude-stein/consulté le 21/09/18.
Woolf, Virginia. Journal intégral, 1915-1941, édition intégrale. Ed. Stock, DL 2011 , coll. La Cosmopolite, 1558 p. Titre original : The Diary of Virginia Woolf. Traduit de l’anglais par Colette-Marie Huet et Marie-Ange Dutartre. Préface d’Agnès Desarthe.
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