« Bill taillait promptement sa route sur les trottoirs, bousculant souvent des passants étonnés qui suivaient des yeux cette silhouette fuyante en pardessus noir, le chapeau juché en plein centre du crâne. Arrivé au coin, l’épaule intérieure se levait et « Wheee ! », il pivotait sur elle dans une imitation exagérée du gangster des années 1920 qui veut se confondre avec les murs. » (Barry Miles, In the seventies, p. 134)
« William Burroughs était à la fois vieux et jeune. Un peu shérif, un peu privé. Cent pour cent écrivain. [...] Il n’aimait pas voir souffrir ceux qu’il aimait. Si vous étiez cloué au lit, il vous nourrissait. Il se présentait à votre porte avec un poisson enveloppé dans du papier journal et le faisait frire. Il était inaccessible pour une fille, mais je l’aimais quand même. » (Patti Smith, Just kids, p.330-331)
« Le soir, à 18h tapantes, après plusieurs regards impatients à sa montre, Bill s’emparait de la bouteille Johnny Walker, étiquette rouge, et nous versait deux énormes whiskies. […]. Il me racontait tant d’histoires aussi intéressantes qu’amusantes, que […] je me rendais à la salle de bain et griffonnais à toute vitesse quelques observations sur ce qu’il avait rapporté. » (Barry Miles, In the seventies, p. 126)
« Le discours permanent de Bill à propos des armes m’a naturellement incité à l’interroger sur le décès de sa femme, Joan Vollmer, tuée par Burroughs lors d’une soirée très arrosée et un jeu d’ivrognes à la Guillaume Tell qui a complètement dérapé. « C’était dément, m’a-t-il avoué. Même si j’avais atteint le verre posé sur sa tête, j’aurais pulvérisé des éclats de verre à travers la pièce bondée de monde », a-t-il ajouté. « Il ne se passe pas un jour sans que je pense à elle. » » (Barry Miles, In the seventies, p. 132)
« Il entre, tiré à quatre épingles, vêtu d’une gabardine noire, d’un costume gris et d’une cravate. Je garde mon poste pendant quelques heures en gribouillant des poèmes. Il sort du El Quixote en titubant, un peu ivre et échevelé. Je rajuste son nœud de cravate et lui arrête un taxi. Cette routine s’est tacitement instaurée entre nous. » (Patti Smith, Just kids. p. 131)
« […] nous avons tous deux admiré un tirage de la miniature de William Blake intitulée Fantôme d’une puce. Il s’agissait de l’image d’un être reptilien, à la colonne vertébrale incurvée mais puissante, parée d’écailles d’or.
- Je me sens comme ça.
[…] Le fantôme d’une puce. Que me disait William ? » (Patti Smith, M Train)
« […] je me demande si William déchiffrerait le langage de mon humeur du moment. Il fut un temps où je n’avais qu’à décrocher le téléphone pour lui poser mes questions, mais désormais je dois m’adresser à lui par d’autres biais. » (Patti Smith, M Train)

Bibliographie
Milles, Barry. In the seventies : aventures dans la contre-culture. Le Pré Saint-Gervais : Le castor astral, 2016. 288 p.
Smith, Patti. M Train. Patti, Smith. « M Train. » Gallimard, 2016-04-01T22:00:00+00:00. Ibooks
Smith, Patti. Just kids. Folio, DL 2012, cop. 2010, 373 p. Traduit de l’américain par Héloïse esquié
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