Un chapitre = une chanson. Voilà le format adopté par Cécile Wajsbrot, d'une efficacité sensible et fragmentaire enivrante. Beaucoup d'auteurs tentent d'allier la musique, la vie et l'écriture, mais peu parviennent à nous transporter avec autant de sensibilité. Ici, la musique (quelle qu'elle soit) est autant sujet que toile de fond pour l'histoire que nous raconte la narratrice (ce "je" gnomique), cette histoire universelle de l'absence, de la séparation, de la perte et du souvenir.
Car il ne s'agit pas vraiment d'un "je" en particulier mais d'un témoignage parmi d'autres sur ces sujets ô combien humains dans leurs contrastes et leurs aléas.
Les chansons dont il est question à chaque chapitre sont autant de souvenirs égrainés et ravivés par leur écoute. Depuis ma lecture de ce livre, j'écoute régulièrement "Famous blue raincoat" de Leonard Cohen qui moi aussi me parle et me touche, fait appel tant à mon propre passé qu'à celui de la perte de façon plus générale et du deuil.
Le "je" fait appel à toutes ces chansons qui ont marqué son histoire à un moment ou un autre, des chansons pas forcément choisies ni forcément appréciées mais qui ont été là (dans un café à ce moment précis, lors d'une rencontre,...) et qui font partie des souvenirs eux-mêmes, comme toutes ces chansons qui nous accompagnent au long de notre vie et qui, en nous, sont chargées de notre histoire, d'instants partagés ou de moments intimes à tout jamais.
La prose lyrique, sorte de flux de conscience très woolfien, accompagne ces mélodies au rythme tourbillonnant des souvenirs qui étreignent le "je" dans son propre passé, un passé qui semble emprisonner, à l'instar de cet éternel retour de la perte qui parcourt nos vies.
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