#Extrait du Shaker, n°10, Patti Smith
« La première fois que j’ai vu Robert, il dormait. Je me suis penchée sur lui, un garçon de vingt ans, qui sentant ma présence a ouvert les yeux et souri. En quelques mots il est devenu mon ami, mon compère, mon aventure bien-aimée » (MC, p. 23).
Patti et Robert, votre histoire est fascinante. Elle prend racine dans des valeurs communes jamais remises en question tout au long de cette fraternité qui dura (et dure encore par-delà sa mort à lui) toute une vie : admiration, respect, compréhension, sincérité, déclinées sous toutes leurs formes. Votre tandem est la représentation vivante et inspirante d’une équipe soudée dans le travail et pour que toujours autour de vous, dans votre tourbillon, la vie se meuve avec simplicité.
Vous vous êtes rencontrés paumés, vous vous êtes mutuellement construit des routes pour traverser le temps et les difficultés de l’art, de la vie, de la maladie et de l’amour, avec la même sincérité. Patti, toi qui est restée, toi pour qui « La lumière ruisselait à travers les vitres sur ses photos et ce poème silencieux que [v]ous formi[ez], assis ensemble une dernière fois. Robert mourant : il créait le silence. [T]oi, destinée à vivre, [tu écoutais] attentivement un silence qu’il faudrait toute une vie pour exprimer. » (JK, p. 370), tu ne cesseras jamais de rendre hommage et de graver dans l’éternité cette aventure d’une vie dont les échos nous parlent à nous, en tant qu’Hommes, en tant qu’amoureux, en tant que frères. Tu racontes votre histoire (Just kids), tu dis l’indicible perte (La Mer de corail, livre et album), tu n’oublies pas, tu portes en toi et tu transmets cette force d’une âme fraternelle qui t’as compris toute entière et, à travers toi, l’humanité.
Malgré tout le respect et l’admiration que tu lui portes, Frederick ne sera jamais « que » le mari avec lequel tu ne partageras pas cette si grande intimité qui ne peut unir non pas deux amants mais deux artistes, au-delà toute distinction arbitraire (sexe, cadre et corps social).  « Robert [t’as] photographié [...] pour la pochette du single [...] « People have the power ». En découvrant la photo, Fred a dit : « Je ne sais pas comment il s’y prend, mais toutes les photos qu’il fait de toi lui ressemblent, à lui. » » (JK, p. 366).
Pour vous, il me faut convoquer un mot malheureusement détourné aujourd’hui de son essence d’origine pour ne plus désigner que l’amour au sein d’un couple : « âmes-sœurs ». Robert était pour toi de ceux qui vous comprenne d’un simple regard non parce qu’ils éprouvent vôtre quotidien mais parce qu’ils vont ont toujours connu, il « ouvrait les yeux avec un sourire de reconnaissance pour celle qui n’avait jamais été une inconnue. » (JK, 373). Sur son lit de mort, « Nous n’avons jamais eu d’enfant. », t’as-t-il dit. « Notre travail, c’était notre enfant. », as-tu répondu. (JK, 368). Pour avoir eu la chance de rencontrer votre histoire au moment où j’étais en quête de ces mêmes valeurs, pour tes mots, Patti, qui m’apprirent de quoi l’Amour est fait, je vous voue à tous deux un respect éternel.

Biblio:
Smith, Patti. Just kids. Folio, DL 2012, cop. 2010, 373 p. Traduit de l’américain par Héloïse esquié.
Smith, Patti. La Mer de corail. Tristram, coll. "Souple", 2013. 96 p.
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