Et si nous abordions la vie de Germaine Greer à travers les yeux de son ami, Richard Neville (ce journaliste qui, dans les années 60 et la mouvance hippie, lança le magazine subversif Oz, auquel a souvent contribué Greer) comme autant de clichés instantanés témoignant de ce personnage haut en couleur ?
« […] j’ai rencontré une jeune fille impressionnante qui avait une épaisse tignasse de boucles brunes. Svelte et volubile, son intelligence aveuglait comme un projecteur. J’avais habilement déboutonné ma chemise hawaïenne à la mode pour laisser apparaître mon bronzage. « Aha, un mamelon mâle. » Elle l’a pris entre le pouce et l’index. […]« Les mamelons sont une masse de tissus érectiles », a-t-elle continué, pendant que j’essayais d’ignorer les regards qui nous entouraient. « Tu devrais apprendre à masturber toutes tes parties masculines. » C’était ma première rencontre avec Germaine Greer. Germaine était une brillante étudiante de l’université de Sydney, où elle écrivait une thèse sur Lord Byron. Mais ses compétences s’étendaient bien au-delà des poètes romantiques et de l’anatomie masculine. Lors d’un festival de théâtre de l’absurde, je l’ai vue subjuguer l’auditoire pendant un débat sur Les Bâtisseurs d’empire, une pièce de Boris Vian. Elle était sûre d’elle et dotée d’un esprit subtil. Son sourire était étincelant. Son orgueil était effroyable. J’ai réalisé qu’elle préférait en effet avoir tort plutôt que de paraître indécise, et elle avait rarement tort. » (p. 91-92)
« J’ai demandé à Germaine de relater ses exploits pour Oz. « J’adorerais. J’ai déjà un titre, « Au lit avec l’Anglais ». Elle s’est frotté les mains. « C’est pas génial ? Tu sais ce que le dernier Rosbif m’a dit ? » Elle a levé les yeux au ciel. « Fais comme si tu étais morte. » […] Louise a remarqué par la suite que c’était la première fois qu’elle avait entendu une femme utiliser le mot « fuck » en public. » (p. 121-122)
« La manifestation a fait une halte inexpliquée […].Germaine a fendu la foule, a attrapé un drapeau australien et l’a jeté dans les flammes en criant : « On est tous des Vietcongs, on est tous des Vietcongs ». Elle était fantastique. Des hourras, des huées ont éclaté. » (p. 248)
« Selon la rumeur, le mariage de Germaine avec Paul de Feu, un maçon, avait été un fiasco. Quand elle a livré son article pour le numéro suivant d’Oz, elle n’a pas voulu en dire plus. Sa dernière contribution s’intitulait : « La femme négligée se déchaîne. » « La ménagère ordinaire est abrutie et égarée par sa dose quotidienne de journaux à sensation et de télévision merdique, écrivait-elle. De nombreuses militantes montrent trop ouvertement par leur inefficacité, leur obésité et leur agressivité, qu’elles n’ont pas réussi à trouver une façon de se libérer par elles-mêmes. » […] « La chatte doit arracher l’acier de la bite. » » (p. 303)
« Germaine portait de longues bottes lacées et son premier manteau en fourrure. La Femme eunuque était un succès. […] La veille au soir, elle s’était déchaînée au cinéma BBK. Complétement nue, elle s’était roulée par terre en compagnie de Heathcote Williams pendant la projection d’un documentaire sur Otto Muehl et son art corporel « cathartique ».» (p. 381-382)
Références : Neville, Richard. Hippie hippie shake : rock, drogues, sexe, utopies. Voyage dans le monde merveilleux des sixties. Paris : Payot & Rivages, coll. « Rivages rouge », 2013. 557 p.
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