« Des vies comme celle de Bob Dylan sont des dépôts où condense toute une époque, un miroir des questions que se pose une société sur elle-même, mais qui ne se révèlent que rétrospectivement. D’abord à cause de l’échelle : c’est une sorte de secousse mondiale qui se rassemble sur les épaules d’un seul. Ensuite, à cause de cette jeunesse préservée à jamais parce que tout se dessine et s’accomplit avant ses vingt-cinq ans. » (p. 13) « Et si une grande chanson de Dylan c’était comme renverser, dans une maison d’enfance, un carton de vieux jouets ? Il reste de belles couleurs, même un peu abîmées, il y a des cassettes de vieux films, et des livres avec des histoires qui faisaient vaguement peur. Mais c’est lisse dans la main et ça brille dans la lumière, on ne les craint plus, les figures : elles sont encore belles et vous émeuvent. » (p. 314) « Il confirmera dans les grands entretiens de 1978 : « Je n’ai jamais pensé qu’un artiste devait se conduire selon ce que son public attend de lui. » » (p. 335)

« Dylan mythomane ? Non. Celui qui chante est de toute façon cette fiction de lui-même, dès lors qu’il chante. » (p. 102) « Dylan, autant que la chanson, met en avant le personnage qui chante, et qu’il construit comme une fiction : qu’on perçoive sa posture, l’énergie, la difficulté pour le son à émerger de la guitare et la voix éraillée. » (p. 139) […] « Dylan avait de la présence, un son (le rauque de la guitare mise en avant), une voix qui se moquait bien de ses défauts pourvu que la narration avance. » (p. 137) […] « pour s’imposer comme chanteur, Dylan s’est forgé une autobiographie fictive dont les lignes de force sont stables : orphelin, passage au Nouveau-Mexique, apprentissage en direct depuis les chanteurs de rues à Chicago ou Big Joe Williams, et les chansons de cow-boys ou carnarval sur la route avec un cirque. Ce n’est pas tenable à long terme : alors il essaye de revenir à une version plus proche du vrai, mais il ne sait pas ou ne peut pas renoncer aux éléments déjà exposés sur la place publique. » (p. 171) « La vérité est sans doute quelque part entre tout ça. La notion de vérité n’est peut-être d’ailleurs pas pertinente ici. Pour approcher de l’énigme, saisir une par une dans la main chaque pièce du puzzle (« pour me comprendre, il faut aimer les puzzles », dira Dylan), et en mesurer les poids respectifs : c’est dans ce mouvement de peser, comparer, évoquer, qu’on pourra percevoir de plus près une complexité plus grande. Vérité plurielle, mouvante. » (p. 142) […] « Dylan séparera de façon radicalement étanche sa vie privée et sa vie professionnelle. « Je suis Bob Dylan seulement quand j’ai besoin d’être Bob Dylan », dira-t-il plus tard […]. » (p. 231)

Références:
Bon, François. Bob Dylan, une biographie. Paris : Le livre de poche, 2009. 472 p.
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