C’est en 1903 que Jules Romains connaît sa grande révélation : des liens forts unissent les individus entre eux pour former un être supérieur. Le rassemblement de plusieurs êtres forme ainsi une même âme. Cette association, bien que présente déjà dans le motif de l’amour, est surtout représentée par la ville moderne, lieu propice aux plus grands rassemblements humains. Romains décide qu’il faut dépasser l’individu pour s’attacher au groupe.
Il cherche alors à mettre en pratique cette idée en littérature et crée un art du présent pour saisir les manifestations de l’Homme dans ses simultanéités. Il fixe son programme dans sept articles parus entre 1905 et 1907 autour de deux axes majeurs : l’étude de la « ville des groupes » et l’exploration des rapports sentimentaux et sensuels des individus à l’intérieur d’un groupe (tel que l’ivresse des multitudes, la révolte, l’acceptation, l’exaltation du « nous »). Bref, un hippie avant l’heure, le petit Romains.
Dans sa poésie, il fait le choix d’un vocabulaire simple et utilise les formes classiques de versification. Il évite la poésie trop subjective, utilise un contexte prosaïque. Le plus important selon lui est que le poème repose sur des idées plutôt que sur des formes de musicalité. 
Chaque poème doit être une cellule solidaire et indépendante à la fois, à l’image de ce qui anime l’individu au sein du groupe. Il instaure ainsi un schéma dialectique en trois phases : 1) Ivresse, abandon, 2) Individu en quête de sa réaffirmation, révolte 3) Dépassement de soi par la réflexion pour parvenir à une conscience individuelle attachée au collectif.
Il met en pratique cette théorie dans son cycle Les Hommes de bonne volonté (1932-1944). Fresque de 27 volumes dans laquelle chaque personnage est l’incarnation d’un groupe humain. Grâce à elle, Romains parvient à mettre en œuvre les objectifs de sa théorie : la représentation mouvante (dans le temps et la durée) des différentes couches de la société tant du point de vue du groupe (l’Histoire et l’histoire de l’époque, à travers des anecdotes de la vie contemporaine, à la période qu’il décrit) et de la construction de l’individu dans un va-et-vient fécond entre affirmation de soi et action au service de la communauté.
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