Au début du XXème siècle, Einstein révolutionne la perception de l’espace et du temps : il n’est plus possible de déterminer une localisation fixe puisque toute localisation est fondée sur sa relativité aux autres. Tout bouge, tout se transforme. C’est l’avènement de la théorie de la relativité et de la physique quantique.
Dans son édifice mégalo à tendance parano, Dick se demande alors : et si même le passé était affaire de relativité ? C’est ce que l’on nomme dans le jargon de la science-fiction, l’uchronie. De là découlent bon nombre de romans (et parmi eux un grand nombre de ceux de K. Dick) non plus futuristes mais imaginant un passé qui se serait déroulé différemment de ce que nous a appris l’Histoire.
Tout au long de son Œuvre, Dick parle d’un temps réversible : le passé peut être changé a posteriori puisqu’il communique sans cesse avec le présent. Ainsi Fat, le personnage de Siva, affirme qu’il est à la fois lui-même dans le temps présent mais qu’il a aussi un double, Thomas, qui vit dans la Rome antique et que leurs deux temporalités, l’une passée et l’autre présente, s’influencent et se modifient au contact de l’autre. Un peu dur à suivre tout ça, hein ? En gros : bannissez l’idée d’un temps linéaire ou même cyclique, épousez l’idée d’un temps en perpétuel mouvement non plus du passé vers l’avenir et le présent mais de l’avenir vers le passé et le présent et du présent vers l’avenir et le passé, le tout de façon simultanée (et pourquoi pas aussi du présent vers le présent !). On n’est donc plus sûr de rien et tout est possible.
Dans la conférence qu’il n’a jamais donnée, « Hommes, androïdes et machines », Dick explique qu’il y aurait même pire : notre cerveau construirait de faux souvenirs pour pallier aux failles temporelles que nous ne sommes pas capables d’accepter. Il ajoute : « je pense que nous sommes, comme les personnages de mon roman Ubik, dans un état de vie partiellement suspendue. Nous ne sommes ni morts ni vivants, mais conservés cryogéniquement, en attendant de décongeler ».
A travers le florilège de ses romans, Dick construit ainsi une théorie métaphysique du temps qui abolit en fait toute notion de temps telle que nous pouvons la concevoir à l’aide de nos esprits cloisonnés dans un cadre spatio-temporel qui nous est tout à la fois nécessaire et absurde. Imaginez ce que cela signifie. « Toutes les histoires possibles de A à B pèseront dans la probabilité finale. Chacune de ces histoires peut être interprétée comme un morceau d'espace-temps. C'est un peu comme si d'innombrables espaces-temps différents étaient tous présents à la fois. » (Rovelli, Carlo. Et si le temps n’existait pas : un peu de science subversive). Le physicien Rovelli travaille depuis des années sur cette conception du temps éclaté, il ne s’agit pas seulement de fiction : et si nous étions ici et autre part à la fois ?
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