Sorte de James Joyce italien à sa façon, Luigi s’est affairé dans son œuvre à représenter les angoisses de ses contemporains. Son théâtre reprend beaucoup d’éléments de ses nouvelles qui ont déjà une trame très théâtralisée : récit « in medias reis » (en pleine action), narrateur et personnage liés, unité de temps et fin en coup de théâtre (à la fois prévisible et imprévisible).
Pour mettre cela en place, Luigi recourt à la brièveté de l’impact narratif : récit court qui permet de morceler la vie en fragments. Il utilise une technique de l’instantané, une forme de monologue intérieur qui permet qu’à tout moment, le passé puisse refaire surface tandis que les personnages tentent de clarifier leurs idées sur le monde.
Pirandello a été marqué par la crise du positivisme (ensemble de courants qui considèrent que seules la connaissance et l’étude des faits scientifiquement vérifiés peuvent décrire les phénomènes du monde). Pirandello vit alors à une époque de crises des valeurs, de décadentisme et assiste à l’écroulement du mythe de la raison qui s’accompagne d’angoisses conséquentes : l’Homme ne maîtrise plus ni le monde extérieur ni lui-même, il ne s’appartient plus. C’est à partir de ce constat que Luigi développe une forme de relativisme qui ironise la vie à l’image d’une bouffonnerie, un spectacle de marionnette. L’Homme ne perçoit pas les choses comme elles sont mais comme elles paraissent: il n’y a donc pas de valeur certaine. La « forme » (coutume, habitudes, lois) prend la vie au piège dans une boîte hermétique à l’instar d’un monde factice. Pour autant « la forme » reste quelque chose d’inéluctable et Pirandello conclut qu’il ne peut donc y avoir d’Homme idéal.
Le théâtre de Pirandello a donné naissance au terme de « pirandellisme » pour caractérisé ce type de théâtre qui propose une pièce à créer, tant du point de vue de la mise en scène que de l’écriture elle-même. Elle repose surtout sur le théâtre dans le théâtre. Le spectateur est à la fois du côté de la salle et du côté de la scène. Il est voyeur mais est aussi vu par les acteurs/personnages, si bien qu’il fait partie intégrante de la pièce à laquelle il pensait simplement assister. 
Dans Six personnages en quête d’auteur, les personnages symbolisent également le cerveau de l’auteur. Ils viennent dans ce théâtre pour être terminés. Les acteurs deviennent ainsi également spectateurs et l’acte rétrospectif : ici, on se situe avant l’écriture même de la pièce et la création prend le pas sur la mise en scène. Pour Pirandello, puisque tout est relatif, tout texte doit rester ouvert aux possibles.
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