[Autour de Guillaume Apollinaire]
Au début du 20ème siècle, l’exposition universelle de 1900 marque symboliquement la charnière entre la tradition et la modernité que personnifie la ville. Apollinaire et les poètes contemporains ne savent pas vraiment quoi penser de cet élan d’urbanisation. Apollinaire lui-même oscille entre nostalgie du passé et aspiration à la modernité dans « Zone » (1920). Pour Blaise Cendrars dans « Pâques à New York » (1912), l’urbanité est clairement un frein à la spiritualité religieuse. Carl Sandburg quant à lui, dans « Chicago » (1916), apostrophe carrément la ville éponyme comme l’incarnation de l’Amérique populaire. La ville et la modernité qui lui semble indéniablement rattachée sont en tout cas extrêmement bruyants comme cherche à le démontrer le musicien Edgar Varèse dans le morceau « Amériques » (1920-1922) qui utilise des bandes préenregistrées de bruitages en tous genres, reflets du monde moderne. 
Qui dit modernité et urbanité dit, pour ce début de siècle, industrie et tout ce qui l’accompagne (bruit, pollution, odeur, travail à la chaîne, etc.). Dans la lignée d’un Zola qui, à travers des romans tels que Nana (1880), L’Assommoir (1876) et La Bête humaine (1890), annonçait déjà la malveillance de l’industrialisation émergeante et la misère de la rue. 
Après la Seconde Guerre mondiale, les « photographes humanistes » s’attachent à fixer sur la pellicule la vie quotidienne populaire ; on parle de « photographies de rue ». Il y a Robert Doisneau photographiant les rues de Paris, la libération et l’allégresse populaire, il y a Henri-Cartier Bresson et ses reportages de rue, Brassaï immortalisant le parc d’attractions parisien Magic City ou encore Sabine Weiss qui veut témoigner des injustices qu’on rencontre quotidiennement. Et il y a son pendant américain, quelques décennies plus tard, la méconnue Vivian Maier jusqu’à ce qu’on découvre près de 120 000 photographies de rue prises à la volée et en douce grâce à son Rolleiflex, un des rares appareils qui permette de faire des photos à bout de bras et donc plus discrètement ; elle grave la misère et la pauvreté de la rue. 
La ville, comme nous le dit Apollinaire, c’est aussi l’errance, l’errance du Charlot des Lumières de la ville (1931) par exemple, l’errance du chauffeur de Taxi Driver (1976), l’errance dans les rues d’une ville inconnue dont on ne comprend pas les coutumes dans Lost in Translation (2003), l’errance dans Brooklyn à la recherche de sa dose dans Requiem for a Dream (2000), la traversée d’une ville occupée par les nazis de nuit en transportant de la viande de contrebande dans La Traversée de Paris (1956). 
Bref, la ville arbore de multiples facettes qu’il sera toujours impossible de lister en totalité ; c’est aussi la leçon du Apollinaire de « Zone » qui choisit à la poésie figée et normative une poésie qui suit le flux de la conscience et de sa fragmentation, à l’image de la ville.
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