«  […] mon cher ami Louis, un homme aussi brillant que progressiste, me répétait lors d’une de nos discussions : « Je ne comprends pas ce que tu veux dire quand tu affirmes que les choses sont différentes et plus pénibles pour les femmes. C’était peut-être le cas dans le passé, mais plus maintenant. Tout va bien pour les femmes désormais. » Je ne comprenais pas que Louis ne perçoive pas ce qui me paraissait évident. » (Adichie, Chimamanda Ngozie. Nous sommes tous des féministes. p. 22)
L’histoire du féminisme est construite par vagues selon cette idée chaque fois vérifiée que la lutte n’est jamais finie et qu'elle revient sur le devant de la scène répondant aux oublis de la société contemporaine - tout comme on oublie que la contraception et la sexualité libérée des entraves de la procréation n’ont pas toujours existé.
Vague 1 : les suffragettes, le côté reconnaissance juridique des femmes. D’abord apparues dans le Wyoming en 1869, puis dans tous les États-Unis, et en Angleterre, elles luttèrent pour le droit de vote des femmes et ne l’obtinrent qu’en 1920 (pour les femmes mariées ayant plus de trente ans), 1944 en France.
Vague 2 : les féministes du quotidien. Durant la Seconde Guerre mondiale, les femmes remplacèrent au turbin les hommes partis à la guerre et furent tout aussi capables qu’eux (« We can do it »). Alors, quand on leur a dit, une fois la guerre finie et les hommes rentrés au bércaille, qu’il fallait qu’elles regagnent leurs fourneaux, là c’était un peu fort. Qu’à cela ne tienne, on créa les banlieues, des prisons de verre donnant sur pelouses entretenues. Mais elles ne l’entendirent pas toutes de cette oreille. En 1963, Betty Friedan révèle la tristesse de leur vie de ménagère. En 1970, Kate Millet aborde le patriarcat, la reproduction et le droit des femmes à disposer de leur corps. Germaine Greer, la castration de la femme qu’on empêche de s’exprimer. C’est le féminisme nécessairement extrémiste pour mettre un grand coup dans la fourmilière des idées reçues.
Vague 3 : appelée « féminisme post-moderne » née des études universitaires sur le genre. On interroge le rôle de la femme dans la société : est-il naturel ou n’est-ce pas plutôt un rôle arbitrairement construit par une société patriarcale pour enfermer les femmes dans le cliché de la bonne mère/bonne femme au foyer?
Vague 4 : selon moi, la vague féministe de nos jours. Et peut-être la vague la plus pernicieuse aussi, car on a obtenu gain de cause, juridiquement et socialement, mais au cœur du quotidien, de nombreuses inégalités demeurent et sans doute les femmes en sont-elles les plus à blâmer : accepter le surmenage et la surcharge au quotidien parce qu’en plus du travail (un droit qu’on a obtenu et qui paraît désormais naturel), il faudrait aussi être la première (et souvent la seule) à gérer le quotidien de la maison et de la famille ? En vertu de quoi ? 
Alors, les femmes, c’est pas fini, on fout quoi ?!
  

Friedan, Betty. La Femme mystifiée, 1963.
Greer, germaine. La Femme eunuque, 1970.
Millet, Kate. Sexual politics, 1970.
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