Faust, c’est le gars qui donne son âme au diable dans l’espoir d’accéder à la superpuissance de la connaissance et de l’art, on est d’accord. Il y a différentes variantes du mythe. Goethe en a donné une et, en 1974, déjà petit génie intello du nouvel Hollywood, De Palma lâche sa propre vision du mythe dans un opéra rock excentrique, désormais kitchouille (mais quel plaisir cette B.O.!), qui vient foutre un bon coup de pied dans la société consumériste de notre temps.p
Dans Phantom of the Paradise, le diable est incarné par Swan, producteur musical, et Faust est Winslow Leach, un compositeur de génie dont Swan veut tirer les meilleurs avantages sans avoir le petit inconvénient de devoir le rémunérer. Il soumet un contrat au jeune pianiste qui se prend au piège. Winslow découvre rapidement la machination en entendant une version popisée (genre qui se vend bien à la radio) de sa compo et pète un câble au terme duquel il finit défiguré. Entre en scène cette fameuse tenue mi-bionique mi-costume du théâtre antique (clin d’œil aux origines du mythe faustien), qui devient pour Winslow à la fois protection et prison. Entre histoire d’amour contrariée, défiguration, jeux de scène en combi moulantes et interstellaires, vient le retournement final aux dépends de Swan dont le visage, tel un Dorian Gray incarné, revêt d’un seul coup les vices et les malveillances.
Pour ce final, tout y est : les plumes des danseuses, le public en transe façon groupies des Beatles, la musique d’ouverture en mode bande son de films érotiques des années 80, une balle perdue dans la tête du pape qui célèbre un mariage en direct, c’est la débandade, la folie qui gagne le monde…
La vague du nouvel Hollywood (Coppola, De Palma, Scorsese, Lucas, entre autres) né au tournant des années 70, dans le monde de l’après-Kennedy et de la diffusion en continu de sa cervelle qui explose, dans un monde en pleine désillusion après les utopies hippies envolées dans la fumée du H. On se tourne vers un cinéma plus sombre et plus réaliste, plus violent aussi, pulsions, décadence humaine, bref un cinéma moderniste ! « Happé par ton commerce tournoyant, tu n’as pas de temps pour les sentiments. Je pensais te connaître mais je ne te connais pas du tout, [tu es] piégé à l’intérieur de ton monde d’inquiétude » (« Special To Me (Phoenix Audition Song) »).
Dans le Nouvel Hollywood, beaucoup de symboles d’où aussi cet appel à un mythe décadent par excellence (Faust), la balle dans la tête du prêtre comme un uppercut dans la tronche du traditionalisme : on fait tomber ces égéries qui ne parlent plus à la nouvelle génération, et quoi de mieux qu’un bon opéra rock déganté comme bande son ?

Références bib.
Biskind, Peter. Le nouvel Hollywood : Coppola, Lucas, Scorsese, Spielberg... la révolution d'une génération. Paris : Points, 2008. 691 p.
De Palma, Brian. Phantom of the Paradise. Harbor Productions, 1974. 92 min
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