Après l’écriture de L’appel de Cthulhu, Lovecraft semble tout à coup manquer d’inspiration ou de force vitale créatrice. Il annonce à ses amis son désir d’arrêter d’écrire et abandonne de nombreux manuscrits inachevés. « Au lieu de sentir qu’il se tenait au seuil d’un nouveau développement, il imagina sans doute que son talent déclinait. Il cessa d’écrire. Et la même année, en 1935, il eut un cancer. » (p. 89-90).
C’est ballot ! « Et bah ouais, fallait pas arrêter d’écrire ! », semble dire la destinée qui s’abat tout à coup sur le petit H.P. (qui ne sont pas les initiales pour hôpital psychiatrique, précisons) : en moins d’un an, un cancer du colon le raye de la surface de la Terre. On peut interpréter cela comme une forme de nique bien méritée à celui qui refuse tout à coup de faire la seule chose pour laquelle il aurait été finalement doué : écrire.
« On pourrait dire que Lovecraft commença à mourir lorsqu’il comprit que son inspiration s’était tarie. » (p. 44). Voilà qui ne manquerait pas de nourrir encore cette stupide mythologie de l’écrivain maudit, ici au sens figuré : un mauvais sort lui serait tombé sur le coin du crâne... Ou alors, peut-être cette décision a-t-elle été la porte ouverte à toutes les bê-bêtes que Lovecraft a abandonnées au néant en cessant de les écrire…
Certains psychanalystes n’ont pu s’empêcher de voir qu’une « surcharge d’information » parvenant au système nerveux central – lorsqu’on a trop à faire – inhibe d’après [Augustin de la Pena] le cancer, alors que la dépression et l’ennui provoquent des cancers à développement rapide. » (p. 90). Donc prends garde à toi jeune (ou invétéré) oisif ! De la Pena ne semble pas être si à côté de la plaque que ça quand on voit que notre société actuelle vise de plus en plus à l’efficacité et que celui qui revendique le droit à l’ennui est montré du doigt...
Personnellement, je préfère voir dans toute cette histoire une logique imparable : pour l’écrivain, écrire devient rapidement, plus qu’une ambition, bien plus qu’une passion, la vie elle-même. Cesser d’écrire est alors cesser de vivre.
Back to Top