C’est bien connu, Leonard ne s’arrêtait jamais. Pour quelqu’un d’aussi créatif et hyperactif, il fallait trouver un système qui lui permette de demeurer alerte sans pour autant perdre trop de temps à dormir : qu’à cela ne tienne, Leonard s’octroyait un quart d’heure de sommeil toutes les deux heures et ça suffisait bien comme ça.
Et puis d’ailleurs a-t-on besoin de dormir toutes ces longues heures chaque nuit ? Est-ce vraiment le rythme naturel qui nous convienne ? Ce sont des questions que posent de nombreux chercheurs aujourd’hui surtout au vu des comportements animaux qui, à l’instar de certains singes par exemple, sont les premiers à opter pour le sommeil fragmenté. Ils répondent tout simplement aux signaux de leur corps au moment où il en a besoin.
Et puis d’ailleurs, même les hommes n’ont pas toujours été soumis à ce sommeil monophasique (d’une traite quoi). Nos ancêtres eux aussi été réglés sur un modèle de sommeil fragmenté, souvent en deux temps : une partie la nuit et une partie le jour. Si nous comptons de nos jours de plus en plus d’insomniaques, n’y aurait-il pas un rythme de vie contre-nature à mettre en cause ?
On ne compte d’ailleurs plus les exemples d’écrivains et de scientifiques de nuit (Kafka, Einstein, …), au point que cela est devenu un cliché de la créativité (et ça se trouve, ces créateurs insomniaques n’étaient en fait que des dormeurs fragmentés !). En termes scientifiques, on admet que ce cliché n’est pas infondé : certaines heures de la nuit sont plus créatives et constituent une forme de libération nocturne.
Ah, si la narratrice de la nouvelle Sommeil de Murakami avait su ça ! Peut-être aurait-elle cessé de culpabiliser si longtemps à propos de ses nuits d’insomnies solitaires à lire et relire Anna Karénine, à se laisser emporter lentement vers une forme de résurrection, elle qui, avant de plonger dans la vivacité des nuits insomniaques, demeurait en suspens. Et si elle avait tout simplement trouvé son rythme à elle ?
Bien que le sommeil soit de plus en plus reconnu comme l’un des plus grands médicaments de notre temps, nous dormons de moins en moins, nous nous forçons à nous coucher lorsque nous ne ressentons pas la fatigue et à rester éveillé quand nous aurions bien piqué un roupillon. Pourquoi avoir cédé à ces longues nuits de sommeil monocordes ? Il y aurait plusieurs réponses assez flagrantes : le rythme de la journée de travail, l’harmonisation sociale (bah ouais, faut avouer que la nuit y’a pas grand monde pour tailler une bavette du coup), etc. Prétextes ? Et si on brimait nos besoins naturels et corporels au profit d’un rythme socialement induits ?

Références bib.
Murakami, Haruki. Sommeil. Paris : Belfond, 2010. 80 p.
Adam, Florian. « Est-on fait pour dormir d’une traite ou de manière segmentée? », 9 mars 2017. http://www.slate.fr/story/139781/dormir-une-traite-ou-se-reveiller-milieu-nuit
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