« J’avais vingt et un ans et vivais dans un monde limité à l’ouest par Bunker Hill, à l’est par Los Angeles Street, au sud par Pershing Square, au nord par le Centre Civique.» C’est ainsi que présente son environnement le Bandini de Rêves de Bunker Hill
Bunker Hill, dans les années 30, est le quartier privilégié de l’auteur dans lequel il place bon nombre de ses romans semi-autobiographiques. « En contrebas de Bunker Hill, j’entendais le rugissement de la cité, le tintement des cloches des trolleys, le vacarme des voitures, le brouhaha des profondeurs. Sous mes pieds passait le tunnel de la Troisième Rue où les voitures s’engouffraient bruyamment pour ressortir avec un ronflement assourdi. » (Rêves de Bunker Hill)
Ce quartier de Los Angeles, situé sur une colline du centre ville, fut très convoité au début du XXème : se juxtaposaient de belles demeures victoriennes non loin du quartier des affaires.
Inexplicablement pourtant (comme cela arrive souvent aux États-Unis), dans les années 1920, le quartier déclina pour devenir le repère de ce que l’on appelait « les dépravés » (sans-abris, drogués, bandits et prostituées).
Dans les années 60, la campagne de ré urbanisation de Los Angeles se penche sur le cas Bunker Hill qui ne sera plus jamais celui que Fante a connu : acquisition de bâtiments, nettoyage des rues et démolitions se succèdent pour prêter désormais une allure propre à ce quartier devenu le « financial district » (quartier des affaires et donc de gratte-ciels) de L.A.
Ce quartier est à l’image de l’avarice de Los Angeles qui, jaloux de ne pas encore avoir sa skyline, profita du délabrement de Bunker Hill pour faire littéralement table rase et faire surgir les buildings, sans rien laisser de l’histoire du lieu si ce n’est le modeste « Bunker Hill Steps », escalier inspiré de la Piazza di Spania de Rome.
Plus possible donc d'apercevoir encore Arturo Bandini observant la montée et descente du funiculaire. Mémoire que ravive Bosch dans Angels flight, le temps d’un polar : «Bosch avait pris ce funiculaire quand il était enfant ; il avait étudié son fonctionnement et n’avait pas oublié. Les deux wagons identiques formaient contrepoids. Quand l’un gravissait les rails, l’autre descendait, et inversement. Ils se croisaient à mi-chemin. Il se souvenait d’avoir pris l’Angels Flight bien avant que Bunker Hill ne ressuscite sous la forme d’un luxueux centre d’affaires, avec des tours en marbre et en verre, des résidences très chics, des musées et des fontaines baptisées « jardins aquatiques ». En ce temps-là, Bunker Hill accueillait des maisons victoriennes autrefois somptueuses et transformées en immeubles de location à l’aspect décati. [...] (Connelly 2000, 16-17, cité par Frédéric Sounac) »

Biblio :
Frédéric SOUNAC, « Regard noir sur la Cité des Anges : James Ellroy », E-rea [En ligne], 7.2 | 2010, mis en ligne le 24 mars 2010, consulté le 24 mai 2017. URL : http://erea.revues.org/1252 ; DOI : 10.4000/erea.1252
GHORRA-GOBIN, Cynthia. Chapitre 6. La traduction spatiale de l’internationalisation et l’amorce d’un autre modèle urbanistique In : Los Angeles : Le mythe américain inachevé [en ligne]. Paris : CNRS Éditions, 2002 (généré le 24 mai 2017). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/editionscnrs/1302>. ISBN : 9782271078629. DOI : 10.4000/books.editionscnrs.1302.
Cynthia Ghorra-Gobin, « L’entrée des Latinos sur la scène métropolitaine américaine : une ambivalence marquée par des tensions politiques et une influence certaine sur le désir de centralité », Cahiers des Amériques latines [En ligne], 59 | 2008, mis en ligne le 31 janvier 2013, consulté le 24 mai 2017. URL : http://cal.revues.org/1164 ; DOI : 10.4000/cal.1164
Back to Top