L’admission des femmes dans l’histoire littéraire n’est que toute récente et la recherche littéraire  trime encore aujourd’hui pour faire émerger les écrivaines oubliées. Car il y en a eu avant le XXème siècle, mais le nombre semble être bien faible face à l’énormité de la prépondérance masculine. Qu’est-ce qui explique cette criante absence ? La privation de l’accès à la connaissance ? Le placard maternel et domestique ? Une trop facile propension des femmes à se laisser faire… ?
L’histoire est parsemée de femmes cachées dans l’ombre d’un homme qui n’avait d’écrivain que sa gouaillerie tandis qu’elle planchait des heures entières à écrire un livre (publié sous son nom à lui bien sûr) qu’il se gosait dans les salons d’avoir écrit. Cela nous paraît aujourd’hui inadmissible, mais nombreuses parmi elles ont même été volontaires et ont sciemment caché leurs contributions. Citons Julia Daudet et le cahier à deux mains qu’elle partagea avec son mari, Alphonse, lui écrivant à gauche, elle réécrivant à droite à sa suite ; jamais elle n’en fit publiquement état pour « ne pas entacher la gloire de son mari ». D’autres en ont souffert : rappelons que Zelda Fitzgerald ne put directement proposé son manuscrit à son éditeur sans l’intermédiaire de son mari, Scott, qui l’a par ailleurs bien souvent plagié.
En dépit des tabous, certaines se sont tout de même mêlées d’écriture. Parmi elles, Georges Sand bien sûr, l’une des figures féminines qui fit basculer le XIXème siècle dans le modernisme. Et pourtant, pourquoi ce recours à un pseudonyme masculin ? Simplifier la publication, garantir l’anonymat, d’accord, mais le pseudonyme masculin n’est-il pas aussi une forme de lâcheté ? Après tout, n’est-ce pas affirmer encore une fois l’illégitimité des femmes à entrer en littérature ? Une façon, encore une fois, de céder à la convention de la domination masculine : seuls les hommes peuvent écrire.
Citons un quasi contre-exemple. Virginia Woolf écrivait et publiait (en son nom et avec l’aide de Leonard, son mari) ses  livres, elle fût un être accompli, fort et visionnaire… Pourtant, mari (par esprit protecteur) et médecin (par bêtise) furent d’accord : sa santé ne lui permettait pas d’être écrivaine ET mère, elle devait faire un choix ; son journal se parsème et témoigne du regret sourd de la maternité.
Au XIXè et XXè siècles encore, certaines femmes mettent elles-mêmes en question leur légitimité à la créativité alors que les hommes ne leur demandent aucune justification, ou encore s’emportent contre l’homme qui n’a rien fait pour entraver leur liberté, comme ce fût le cas de Otto Modersohn qui fût de nombreuses années rejeté par sa femme peintre, Paula Becker, persuadée qu’il cherchait à brimer sa liberté alors qu’il n’avait jamais chercher à l’attenter...

Réf. : Inspiré d’une conférence de Hélène Maurel-Indart à la séance du 12 mai 2017 de l’Académie des sciences, des arts et des belles lettres de Touraine, université François-Rabelais de Tours.
Back to Top