Investiguer sur le terrain n’est pas toujours tombé sous le sens dans le milieu journalistique. Non que, avant ça, les journalistes parlaient que de ce qu’ils ne connaissaient pas, mais avant des figures essentielles comme celle d’Albert Londres, et plus tard Thompson, le journalisme d’investigation était rare et peu reconnu. Nous parlons de ces gars qui investiguent par eux-mêmes pour trouver la matière de leurs articles et relater ce qu’ils ont pu observer de leurs propres yeux. Une sorte de Tintin, personnage qui a définitivement façonné notre vision du métier de journaliste : pas seulement un gratte papier mais aussi un enquêteur qui n’hésite pas à remonter les manches pour aller au cœur de l’info.
C’est ce que décide de faire Albert Londres, en 1923, pour parler du bagne en Guyane française. Pour cela, il veut voir de ses yeux la réalité du lieu et des conditions de vie des prisonniers. Il se rend à plusieurs reprises dans les îles bagnardes (Guyane), observe le quotidien des prisonniers, rencontre des habitants locaux et des prisonniers, effectue des recherches sur les jugements, pour dénoncer les abus judiciaires qui sévissent librement en Guyane sans l’intervention de la justice française. En août-septembre 1923, le journal « Le Petit parisien » publie ces articles sous forme de feuilleton, l’opinion publique découvre l’injustice et l’horreur du bagne de ce pays si lointain qu’il n’était, avant ça, tout bonnement pas considéré.
Avant d’être un auteur, Hunter S. Thompson est de ces journalistes qui, non content d’écrire sur un sujet, voulaient aussi le vivre. En 1965, le rédacteur en chef de « The Nation » propose à Thompson d’écrire un article sur la bande de motards des Hells Angels, réputés pour être des loubards sanguinaires, sans Dieu ni loi, qui effraye la population. Il vit avec eux près d’un an jusqu’à ce que quelques Angels, indignés qu’il puisse se faire du fric sur leur dos, le passe à tabac à coup de chaîne de moto et le laissent pour mort.
Qu’à cela ne tienne, Thompson ne se contente pas seulement d’un article mais d’un livre entier dans lequel il expose dans les moindres détails le « way of life » des Angels ; et c’est sans rancune et avec objectivité que Thompson signe l’un des seuls témoignages qu’on puisse trouver sur les Angels : juste une bande de potes finalement, presque une famille, qui ne désiraient rien d’autre qu’on les laisse vivre libres et qu’on vienne pas les faire chier, là par contre ils pouvaient devenir un peu méchants… Sans compter les histoires de soirées qui tournent un peu mal, des Angels bourrés (à l’alcool et à la dope) qui violent quelques petites qui passent dans le coin, ou se maravent salement la tronche, mais somme toute rien de bien méchant en fait…
Références bib.
Inspiré d’un article publié par Retronews : https://www.retronews.fr/dossier/au-bagne-par-albert-londres-en-1923
Thompson, Hunter S. Hells Angels: l’étrange et terrible saga des gangs de motards hors la loi. Paris: 10-18, DL 2004. 352 p.