King Crimson est, à l'origine, un groupe de rock progressif fondé en 1969. Le groupe s'est beaucoup transformé au long des années tant dans sa constitution (le seul membre resté depuis le début est Robert Fripp, guitare, piano, claviers) que dans sa créativité. Le groupe est toujours en activité aujourd'hui mais plus vraiment fidèle à ce son qui a fait de lui un groupe phare de l'underground rock. A l’origine, il y a les frères Giles : Mike (batterie) et Peter (basse), et Robert Fripp, rejoints ensuite par Ian MacDonald (cuivres, claviers et guitare). Mais c'est le recrutement de Greg Lake qui donne son envolée lyrique et schizoïde (« 21st century schizoid man ») au groupe.
Et c'est dès lors la propulsion dans le panthéon des groupes rock incontournables avec leur album In te court of the crimson king (littéralement : dans la cour du roi cramoisi). Peter Townshend (The who) dira de cet album qu'il est « un chef d'oeuvre de l'étrange ». En effet, dès les premières notes de Crimson king, c'est un son garage, un peu crado mais très maîtrisé qui déferle des enceintes. Une guitare sourde, des cuivres poussifs et délirés, une batterie légère et précise. La voix de Greg Lake semble sortir d'outre-tombe. Le rythme devient de plus en plus effréné au cours de la chanson.
Le texte énigmatique annonce déjà l'ambiance d'inquiétante étrangeté de l'album, ce symbolisme figuré par des images d'une splendeur surréaliste : « Patte de chat, griffe de fer, les neuro chirurgiens crient pour en avoir plus, à la porte empoisonnée de la paranoïa ». Chaque morceau de cet album est un joyeux embrouillamini de toutes les références et influences possibles. Les morceaux s'enchaînent comme autant de songes, de ces délires paranoïaques du roi cramoisi.
De la poésie également avec les chansons « Moonchild »et « Epitaph » : « Appelle la enfant de lune, dansant dans les profondeurs d’une rivière, enfant de lune solitaire rêvant dans les ombres d’un saule ». Ou encore : « La confusion sera mon épitaphe tandis que je rampe sur un sentier craquelé et défoncé ». Des paroles signées Peter Sinfield, profondément imprégnées d'une imagerie médiévale et fantasy. La Cour du roi cramoisi reste un album éternel et irremplaçable.
Difficile de faire mieux ensuite, même si le groupe, avec ses nombreux musiciens passants, signe par la suite des albums de rock progressif très inspirés, mais plus jamais autant. Les albums In the wake of Poseïdon et Lizard sont encore des ovnis de la scène rock de l'époque, mêlant la mythologie à des ambiances musicales fantasmagoriques et hallucinées. Le groupe, amputé de Lake, poursuit ses expérimentations entre jazz et rock (15 albums à leur actif) pour s'ancrer plus avant dans le jazz-fusion, le rock expérimental voir le métal progressif.