Si Rome ne s’est pas faite en un jour, il peut s’en passer des choses en une journée. C’est même comme si parfois une seule journée pouvait concentrer en elle toute une existence ou la résumer. Un élément déclencheur fait remonter toute une vie comme une vague qui nous emporte dans un flot de souvenirs, de considérations, de pensées, allant du plus trivial au plus essentiel. Si Virginia Woolf a ouvert la voie à cette nouvelle forme romanesque avec Mrs Dalloway, roman dans lequel toute la vie de Clarissa remonte en une seule journée, de nombreux auteurs après elle se sont emparés de ce procédé.
Un hommage au roman de Woolf, bien sûr : Les Heures et ses trois vies en parallèle résonnant entre elles à travers les âges, trois vies qui basculent en une journée.
Une vie qui bascule également en une journée pour les parents de Simon car un matin, lors de sa session de surf habituelle, leur adolescent de 19 ans a un accident. Si les médecins ne peuvent Réparer les vivants, ses organes pourraient servir. Enchevêtrement de pensées en échos, flux de conscience des vies qui pourraient être sauvées grâce à Simon.
Dans Naissance des fantômes, c’est une femme dont le mari tout à coup disparaît. Elle se retrouve seule dans leur chambre et défile en quelques heures toute une vie. Déconstruction, construction, reconstruction, apparition des fantômes d’une vie soudainement en suspens.
Ce peut être aussi beaucoup moins tragique car d’un humour grinçant et piquant, comme dans Une Parfaite journée parfaite où un homme qui décide d’en finir avec la vie passe en revue les différents moyens d’y parvenir.
Ce peut être aussi ces 24 heures avant la nuit que vit Monty avant d’être incarcéré pour sept ans. Vingt-quatre heures qui vont lui permettre de dresser un bilan de sa vie, de faire remonter les souvenirs, peser les pours et les contres, ce qui a pu l’amener là, à un des crépuscules de sa vie.
De nombreuses femmes bien sûr, comme si elles étaient plus capables de visualiser dans ce petit détail qui pourrait sembler anodin toute une profondeur qu’elles sont également capables de sonder, capter un instant dans sa véridicité.
Laura Kasischke, dans Esprit d’hiver, dresse l’étrange journée de Noël de Holly qui convoque le passé, l’adoption de sa fille en Russie, son enfance passée tellement vite, l’adolescente qu’elle est devenue, une tempête de neige qui empêche les invités de venir, du temps devant soi pour des pensées et des questionnements qui apparaissent tout à coup évidents alors qu’elle n’y avait même jamais songé.
Des romans pas directement inspirés de Mrs Dalloway mais qui lui doivent beaucoup. Des romans aussi très souvent tournés vers l’introspection et usant du flux de conscience du personnage pour drainer la vague existentielle à son paroxysme.

Benioff, David. 24 heures avant la nuit. Belfond, 2002.
Cunningham, Michaël. Les Heures. 10/18, 2011.
Darrieussecq, Marie. Naissance des fantômes. P.O.L, 1998.
De Kerangal, Maylis. Réparer les vivants. Gallimard, 2013.
Kasischke, Laura. Esprit d’hiver. Christian Bourgeois, 2013.
Page, Martin. Une parfaite journée parfaite. Mutine, 2002.
Woolf, Virginia. Mrs Dalloway. Hogarth Press, 1925.
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