[variation autour de Peter Guralnick]
Guralnick parle de blues, de country, de rock’n roll, de ces genres musicaux qui sont intimement liés à une terre. Ecrire sur cette musique, c’est parler des sociétés qui les ont vu naître, et donc d’histoire, de culture sociale : une histoire de l’intérieure, par les gens du peuple. 
Guralnick a pris la route pour aller à la rencontre de ces artistes qui, malgré des décennies de carrière derrière eux, vivent toujours dans une misère sociale et personnelle mais qui, quoiqu’il arrive, n’ont jamais cessé de faire de la musique. « Pour certains récits, je me suis retrouvé sur la route comme eux. D’autres résultent d’une recherche laborieuse […]. D’autres encore me sont venus à l‘esprit spontanément. […] J’ai toujours essayé de pénétrer dans un univers […] » (Lost Highway, p. 23).
Dans ses livres, il laisse beaucoup d’espace à la parole des autres. Il discute avec eux, rapporte leurs paroles et dresse leur portrait intimiste et sincère. Non content de leur rendre hommage, il tient aussi à les représenter tels qu’il les a ressentis : « La critique devrait, selon moi, ouvrir et non fermer les horizons » (LH, p. 29).
Guralnick fait partie de cette vague de mecs qui n’hésitent pas à faire des bornes pour rencontrer les musiciens dans les coins paumés du pays, des amateurs de musique dont la passion est peu à peu devenue un métier : « Je n’ai pas pu, en même temps, ne pas remarquer un changement dans mon écriture. Pour moi, comme pour tous ces musiciens, la passion des débuts a fini par devenir un métier. » (LH, p. 15-16).
Métier en effet car il y a, chez Guralnick, la patte de l’écrivain : un regard, un style imprégné par le contexte social, l’Histoire, une personnalité, et la capacité de créer une ambiance qui entraîne le lecteur dans un tourbillon de notes, dans le fin fond des bars terroirs, là où la musique du pays est née.
L’écriture et la musique sont des passions toutes aussi fortes que viscérales. En postface de son premier livre, Feel like going home, Peter annonce sa décision : « […] je me suis rendu compte de deux choses. Premièrement, mon enthousiasme pour la musique demeurait intact. Deuxièmement, il me fallait arrêter d’écrire à son sujet […] si je voulais conserver cet enthousiasme. […] » (Feel like going home, p. 349). Quatre ans plus tard, dans Lost Highway, il avoue s’être rendu compte que son écriture était nécessaire car, avant toute chose, ces gars-là ont autant besoin de lui que lui a besoin de musique : « Il est naturel que les artistes m’aient parfois considéré comme un moyen d’accéder à la célébrité. Non, ai-je essayé d’expliquer […]. J’ai autant de mal à faire publier mes articles qu’eux en ont à enregistrer leurs disques. » (LH, p. 32). 
Mais, grâce à ces livres, c’est un petit bout d’éternité qui leur est offert. Avec Guralnick, on apprend qu’être écrivain musical, c’est encore et toujours, comme pour tout écrivain, une histoire de partage et de transmission.

Références:
Guralnick, Peter. Lost highway : sur les routes du rockabilly, du blues & de la country music. Paris : Editions Payot & Rivages, coll. « Rivages rouge », 2010.  445 p. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Guichard.
Guralnick, Peter. Feel like going home, légendes du blues & pionniers du rock’n roll. Paris : Payot & Rivages, coll. « Rivages rouge », DL 2012, cop. 1971. 387 p.
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