Depuis les prémices de la lutte féministe, l’écriture a eu un rôle déterminant non seulement en tant que médiation mais aussi en tant que valeur symbolique. L’écriture est par essence liberté, alors pourquoi n’a-t-elle été longtemps autorisée qu’aux hommes?
Écrivaine est un statut moderne. Les quelques femmes qui ont écrit avant la libération sexuelle (les Brontë, Virginia Woolf, George Sand…) le faisaient cachées dans un recoin sombre de la maison, sous pseudonyme ou en tant que femme libre et donc en marge de la société. Jusqu’à une époque très contemporaine (années 60-70), la femme était bonne à s’occuper de la maison et des enfants. D’ailleurs, demeure encore cette idée pourtant vieillotte (merci Descartes) qu’une femme est plus émotive et un homme plus cérébral, et qu’il serait donc plus apte à se mêler des choses de l’esprit.
Y a-t-il une écriture féminine ? Est-elle corrélée à la Nature ou à la Société ? Est-ce utile de chercher à savoir si un texte est plus féminin qu’un autre, et d’ailleurs qu’est-ce que ça veut dire ? Un texte garde-t-il la trace du sexe de celui qui l’a écrit ? L’écriture par les femmes est-elle faite pour les femmes ?
Je serai catégorique : non. Les livres écrits par des femmes, parlant de femmes, intéressent peut-être plus de femmes que d’hommes, mais ne faut-il pas y voir tout simplement un système de reconnaissance : l’envie d’aller vers ce qu’on reconnaît aussi en soi ? Quoi qu’en aient dit les féministes de la deuxième vague, nous sommes biologiquement différents, ça n’empêche pas d’apprécier aussi des livres écrits par des hommes. De là à dire que la soi-disant « littérature féminine » (qui renverrait apparemment au genre romantique, mièvre, émotif et sentimental) est ce qui plaît aux femmes... !!
Je crois que la préservation de ce genre de clichés aujourd’hui est avant tout imputable aux femmes elles-mêmes. Je ne dis pas que tous les hommes sont de parfaits féministes ou de parfaits humanistes égalitaires, mais tout de même : si toi, femme, tu arrêtais de leur faire croire que tu préfères forcément la romance mièvre à un bon film d’horreur sanguinolent ; si, même entre nous, nous cessions de nous faire croire qu’il n’y a rien de plus intéressant que de parler enfants et chiffons toute la journée ? Et je ne parle pas du jugement dans le regard qu’elles vous adressent quand vous dites que vous préférez parler d’autre chose… mais parce que tu es femme, ça devrait t’intéresser… Si tu cessais de nous faire passer pour des petites choses fragiles, si tu parlais librement de ce qui triture toi aussi tes intestins et cessais de cacher tes tampons en allant aux toilettes, etc…
A bien y réfléchir, qui est le plus gêné par le sexe féminin : l’homme ou la femme…. ? Qu’en est-il de la littérature écrite par les femmes ? N’y a-t-il pas encore des tabous… ?