#Extrait du Shaker, n°9, William Shakespeare
Les radios pirates, tel est le nom qui a été donné à ces radios qui ont diffusé une « musique du diable » depuis des bateaux éparpillés dans la mer du Nord. Cet épisode important de l’histoire de la contre-culture fait l’objet du merveilleux film de Richard Curtis, Good Morning England, qui présente une sorte de condensé inspiré des différentes personnalités qui ont marqué cette forme émergente de rébellion – et une rébellion s’accompagne toujours de musique.
« Dans les années 1950 et au début des années 1960, mes amis et moi écoutions Radio Luxembourg ou l’American Forces Network à Francfort, même si les programmes s’interrompaient parfois pendant une minute à cause des mauvaises conditions climatiques. Il n’y avait aucun autre moyen d’écouter du rock’n roll ou du R&B. La liberté d’expression n’était pas garantie en Grande-Bretagne, et c’était particulièrement vrai sur les ondes. Le pouvoir a toujours maintenu un contrôle total sur les programmes : le directeur de la BBC était payé par l’État, et la radio n’était rien d’autre qu’une branche de l’administration publique. » (p. 228)
Malgré les pressions du gouvernement, qui considérait ces radios pirates comme un affront, des dizaines de radios pirates ont pris le large pour diffuser des programmes libres et la musique que le public désirait vraiment entendre, loin des reprises neurasthéniques d’Elvis que diffusait la BBC. La première d’entre elles fut Radio Caroline, un projet qui s’est chiffré à des millions (pour payer le bateau, le matos et les ingénieurs) et a été orchestré par Ronan O’Rahily. Le succès est immédiat, et de nombreuses radios pirates émergent alors d’un peu partout.  
Plutôt que de se remettre en question, la BBC fait pression pour garder son diktat et maintient ses programmes édulcorés : quoi que veuille le public, il devra s’en contenter. Les élections approchent et le gouvernement, ne voulant pas se mettre à dos les potentiels électeurs, fait traîner un peu l’abrogation de la loi. Mais une fois la chose faite, les radios pirates deviennent rapidement illégales.  
« Ronan O’Rahily n’a pas baissé les bras. Au bout d’une longue série d’opérations compliquées, il a rouvert Radio Caroline grâce à un financement suisse sous le nom de Radio North Sea International. » (p. 233) Des menaces du gouvernement s’ensuivent : le premier ministre, Harold Wilson, s’organise contre Ronan O’Rahily. Mais la manœuvre échoue : le droit de vote démarre justement à dix-huit ans, « [o]r, ces jeunes composaient une grande partie des vingt millions d’auditeurs qui avaient été privés de leur musique par l’arrogance du gouvernement. » (p. 233)
Radio Caroline existe toujours. Elle a délaissé son bateau pour la terre ferme, et diffuse désormais légalement, sur les ondes, par satellite et sur internet, 24h sur 24.

Références :  [Citations extraites et article très inspiré de] Miles, Barry. Ici Londres : une histoire de l’underground londonien depuis 1945. Payot et Rivages, coll. « Rivages rouge », 2014.  Curtis, Richard. Good morning England. Working title films, 2009.
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