De Leisure (1991) à The Great escape (1995), en passant par Parklife (1994) et Modern life is rubbish (1993), des albums phares de la Britpop, Blur offre une multitude de portraits grinçants, réalistes, satiriques, qui forment la représentation de la société populaire anglaise des années 90. Ils sont très influencés par la lecture qu’a fait Damon Albarn du roman de Martin Amis, London fields, satire de la société londonienne contemporaine. 
La critique est rude et précise : par la figuration, Damon Albarn et Graham Coxon, principaux paroliers du groupe, révèlent la petitesse de la vie contemporaine populaire anglaise au grand jour et ce qui constitue une vie vide en quête de sens profond.
Faisons un petit tour parmi ces stéréotypes qui, s’ils sont en effet stéréotypés, n’en sont pas moins révélateurs d’une époque sur le déclin. « Oui, ce sont des stéréotypes. Il doit bien y avoir autre chose dans la vie. Toute ta vie, tu ne fais que rêver ta vie, puis tu arrêtes de rêver et tu te dis que tu ferais bien encore la fête, une dernière fois. » (« Stereotypes »).
The Great escape. La mode des citadins londoniens s’achetant tous une maison à la campagne (« Country house ») et par là, la figuration d’une uniformisation des envies et des aspirations. L’isolement : « Il est là tout seul, sur une Terre Isolée, perdu en lui-même. » (« Globe alone »).
Et « Les esprits blasés acquiescent à l'unisson » (« Entertain me ») le prochain divertissement qui les évadera de leur quotidien répétitif.
Modern life is rubbish (= la vie moderne est de la merde). La contamination du quotidien par l’industrialisation et la pollution (« Chemical world »). Et la non moins contamination de la télé : « Jubilé est avachi dans le canapé. Il a perdu toute volonté de bouger. Il devient abruti ; trop de télé. Il regarde des conneries 24h/24 ». « Sunday Sunday » : chanson dans laquelle on retrouve l’influence des Kinks et de « Sunny afternoon », qui parlent toutes deux de la lascivité et du repos bien mérité du dimanche à se noyer dans l’insouciance avant de reprendre le travail le lundi matin ; la répétition des jours et des semaines à l’identique, l’ennui.
Parklife. La ridiculisation de la vie de banlieue cantonnée dans des carcans (« Parklife », chantée par l’acteur Phil Daniels). Le fonctionnaire qui, sous le poids de son travail rébarbatif, se renferme un peu plus sur lui-même chaque jour (« Tracy Jack »). La solitude moderne dans « End of a century » : « Nous disons tous que nous ne voulons pas être seuls, nous portons tous les mêmes vêtements parce que nous nous sentons pareils, nous nous embrassons avec des lèvres sèches quand nous nous souhaitons bonne nuit. Fin de siècle, rien de spécial. ». Le dérisoire des occupations d’un peuple qui, pour beaucoup, se retrouve les jours fériés autour des courses de lévriers avec une bière (« Bank holiday ») « mais il faut encore et encore retourner travailler ». Course de lévrier représentée sur la pochette de l’album. Tout cela mène finalement à la déprime qu’on transporte le long de la Tamise et dans les soirées de Soho (« This is a low » : c’est une déprime).
A travers ce beau portrait tout en nuances et en figurations c’est toute la société des années 90 qui est attaquée, celle qui a enclenché le déclin vers un mode de vie appauvrie à coup de technologies et d’individualisations.

Références bibliographiques.
Blur. Leisure. Parlophone, 1991.
Blur. Modern li fis rubbish. Parlophone, 1993.
Blur. Parklife. Food, 1993.
Blur. The Great escape. Virgin, 1995.
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